IVALDI & de GUÉROULT d'AUBLAY

ASSOCIATION D’AVOCATS
Retour sur mon intervention sur la loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle et l’obligation de dénonciation du...

Retour sur mon intervention sur la loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle et l’obligation de dénonciation du...

Auteur : Laurent IVALDI
Publié le : 21/08/2017 21 août août 08 2017

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIème siècle  a amplifié la répression de certaines infractions routières et de nouvelles infractions ont été créées.

Un permis à points est créé pour les titulaires d’un permis de conduire étranger circulant en France ; le décret d’application doit être publié avant le 1er novembre 2017.

La conduite d’un véhicule en faisant usage d’un faux permis devient un délit spécifique puni de 5 ans d’emprisonnement maximum et jusqu’à 75 000 d’amende.

La conduite sans permis et la conduite sans assurance, hors récidive ou autre infraction,  seront désormais sanctionnées par une amende forfaitaire délictuelle respectivement de 800 € et de 500 € ; pour la mise en application, un arrêté doit être publié avant le 1er novembre 2017.

Outre ces délits routiers, la loi du 18 novembre 2016 dispose dans son article 34 que le représentant légal d’une personne morale titulaire du certificat d’immatriculation devra indiquer l’identité de la personne physique qui conduisait le véhicule, sauf vol, usurpation de plaque d’immatriculation ou tout autre cas de force majeure.

Cette nouvelle infraction de « non dénonciation » du conducteur du véhicule par l’employeur prévue par l’article L.121-6 du Code de la route est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Cette obligation de dénonciation concerne les infractions constatées par des appareils de contrôle automatique, lesquelles sont au  nombre de 12 ; le défaut de port de la ceinture de sécurité, l’usage du téléphone tenu en main, l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules (bus, taxi…), la circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence, le non-respect des distances de sécurité, le franchissement et le chevauchement des lignes continues, le non-respect d’un stop ou d’un feu rouge, le non-respect des vitesses maximales autorisées, le non-respect des règles de dépassement d’un véhicule, l’engagement dans l’espace compris entre les deux lignes d’arrêt (sas vélo), le défaut de port d’un casque homologué et le défaut d’assurance.

Les premiers avis de contravention pour les employeurs n’ayant pas dénoncé l’employé auteur de l’infraction routière ont été adressés à partir du mois d’avril dernier.

L’application de cette nouvelle infraction pose un certain nombre de questions lesquelles ne manqueront pas d’être soumises aux tribunaux de Police.

1)    La première observation vise l’hypothèse où l’auteur de l’infraction initiale est le représentant légal

L’avis de contravention initial est adressé au représentant légal de la personne morale ; si le représentant légal est personnellement l’auteur de l’infraction et qu’il règle la contravention, il résulte des dispositions de l’article L.223-1 du code de la route et de la jurisprudence, que ce paiement établit la réalité de l’infraction et entraîne la réduction de plein droit du nombre de points dont est affecté son permis de conduire lorsque le certificat d’immatriculation est établi au nom de la société. (CAA Douai, 22 septembre 2009, N°08DA00178).

En pratique, l’administration a cependant rarement retiré des points au représentant légal d’une personne morale dans l’hypothèse d’un paiement de l’avis de contravention.

Il n’était donc pas nécessaire de créer une nouvelle infraction au motif de lutter contre la délinquance routière ; il aurait suffi pour le service du Fichier national des permis de conduire d’appliquer systématiquement l’article précité aux représentants légaux ayant procédé ou fait procédé par le salarié comme cela se faisait souvent en pratique, au règlement de l’amende d’un véhicule immatriculé au nom de leur société.

Désormais, même dans l’hypothèse d’un règlement par le représentant légal de l’amende initiale, un avis de contravention pour « non désignation » est adressé à la personne morale en application de l’article L.121-6 du Code de la route dans l’hypothèse où le conducteur du véhicule au moment de l’infraction n’a pas été désigné dans les 45 jours de l’avis de contravention initial.

La question qui se pose alors est de savoir comment cette nouvelle obligation de dénonciation va pouvoir se concilier pour le chef d’entreprise avec le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

Le droit de ne pas s’auto-incriminer est une norme internationale et qui est au cœur de la notion de procès équitable (CEDH, 5ème sect., 14 oct.2010, BRUSCO c/ France req. n°1466/07).

A ce jour, l’officier du ministère public, dans les dossiers où ce moyen a été développé n’a pas classé sans suite et a saisi le tribunal de Police ; il n’y a pas encore de décision des tribunaux sur ce moyen.

2)    La seconde observation porte sur la date de l’infraction initiale

La nouvelle infraction de « non désignation » du conducteur est entrée en vigueur le 1er janvier 2017 mais les chefs d’entreprises ont eu la surprise de recevoir des avis de contravention pour des infractions commises avant le 31 décembre 2016.

En principe, la loi pénale nouvelle n’a vocation à s’appliquer qu’aux faits postérieurs à son entrée en vigueur en application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale (article 112-1 du Code pénal).

La loi du 18 novembre 2016 n’étant ni une loi pénale plus douce, ni une loi pénale de forme, les infractions commises avant le 31 décembre 2016 ne devaient pas en principe entrainer l’envoi d’un avis de contravention pour « non désignation » dans l’hypothèse où le représentant légal n’avait pas désigné le conducteur responsable dans cette hypothèse.

En pratique, on constate que les avis de contravention émis postérieurement au 1er janvier 2017 mais pour des infractions commises avant le 31 décembre 2016 ont été suivis d’avis de contravention pour « non désignation » à l’expiration du délai de dénonciation de 45 jours.

Dans un certain nombre de cas, les avis de contravention pour « non-désignation » ne mentionnaient pas les indications relatives à l’infraction routière d’origine mais pour la date, l’heure et le lieu, la mention « Error/Error » ; le Centre National de Traitement a adressé en complément de ces avis de contravention pour « non-désignation » des courriers de rectification de cette mention « Error » en faisant mention de la date, l’heure et le lieu et en expliquant cet oubli par un incident technique dans le système d’édition des avis de contravention.

Sur les contestations fondées sur la non-rétroactivité de la loi pénale, le ministère public, là encore, n’a pas classé sans suite les réclamations et les tribunaux de Police ont été saisis dans les dossiers traités par mes confrères intervenant également en droit routier.

3)    La troisième observation concerne le montant des amendes forfaitaires pour « non désignation » du conducteur.

Le montant de l’amende forfaitaire mentionné sur les avis de contravention pour cette infraction s’élève à 675 € ; à 450 € en cas de paiement dans les 15 jours et en cas d’amende forfaitaire majorée à 1 875 €.

L’administration a donc appliqué les dispositions de l’article 530-3 du code de procédure pénale modifié par la loi du 18 novembre 2016, lequel prévoit le quintuplement du montant des amendes forfaitaires pour les personnes morales.

Les avis de contravention pour « non-désignation » sont adressés à la personne morale et non à son représentant légal alors que l’avis de contravention initial a été adressé au représentant légal de celle-ci.

En vertu de l’article L.121-6 du Code de la route, c’est au représentant légal qu’il appartient de dénoncer le conducteur et non à la personne morale.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé qu’il « résulte de la combinaison des articles L.121-2 et L.121-3 du Code de la route que le représentant légal d’une personne morale est redevable pécuniairement de l’amende encourue pour les contraventions à la règlementation sur les vitesses maximales autorisées, commises avec un véhicule immatriculé au nom de cette personne morale, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un évènement de force majeure ou qu’il ne fournisse des renseignements permettant d’identifier l’auteur véritable de l’infraction. » (Crim. 26 nov. 2008, n°08-83003).

Cette pratique de l’administration apparait donc contestable dès lors que l’avis de contravention initial est adressé au représentant légal et que le nouvel article L.121-6 du code de la route  mentionne expressément  que c’est le représentant légal de la personne morale qui doit indiquer « par lettre recommandé avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon les modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique  qui conduisait ce véhicule (…) »

En conclusion :

Cette nouvelle loi pose un certain nombre de problèmes de droit que la jurisprudence viendra donc éclaircir.

Cette obligation de dénonciation du nom du salarié risque de créer des situations de tension dans les entreprises ; prenons l’exemple d’une entreprise de transport qui désignera un de ses chauffeurs, celui-ci pourra voir son permis invalidé et de ce fait perdre son emploi. Il y a également le risque de voir se développer dans les entreprises dans lesquelles plusieurs conducteurs se partagent le même véhicule, des pratiques de trafic de points avec des salariés qui accepteront d’être désignés à la place d’un collègue afin que celui-ci ne se retrouve pas avec un solde de points nul.

Le salarié désigné aura cependant toujours la possibilité de contester être l’auteur de l’infraction ; dans l’hypothèse où la photographie prise ne permet pas de l’identifier ou que l’employeur s’est trompé, seule la personne morale titulaire du certificat d’immatriculation sera alors redevable pécuniairement de l’amende en application de l’article L.121.3 du Code de la route.

Par Me Laurent Ivaldi, avocat aux Barreaux de Pontoise et de Bastia
06 09 49 64 38

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